Leçons apprises sur les répercussions de la COVID-19 sur les systèmes éducatifs
Dans ce billet de blog, Shem Bodo, chargé supérieur de programme à l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique (ADEA), résume les principales conclusions des répercussions de la pandémie sur les filles, fondées sur cinq rapports publiés entre 2021 et 2022 par l'Observatoire du KIX sur les interventions face à la COVID-19 dans les systèmes éducatifs en Afrique. Ce billet de blog a été préparé par l'Observatoire du KIX pour commémorer la Journée internationale des femmes. Ce billet de blog a été révisé par Tiffany Barnes-Huggins et Serhiy Kovalchuk, responsables de programmes au Centre de recherches pour le développement international (CRDI).
Version originale du Blog disponible sur le site web GPE KIX
Les interventions susceptibles d'avoir des répercussions sont celles qui sont ancrées dans des politiques et des stratégies solides, qui sont bien planifiées et dotées de ressources, qui sont exécutées de manière efficace, et qui font l'objet d'un suivi et d'une évaluation effectifs. Cela suppose un « environnement normal », mais ces conditions ne sont guère remplies en « temps normal » en ce qui concerne l'Afrique. Ainsi, nous constatons des écarts flagrants entre les déclarations politiques et les interventions pratiques, les ressources n'étant ni adéquates ni ciblées de manière appropriée pour mettre pleinement en œuvre les programmes. Cette situation restreint la mise en œuvre des interventions à quelques domaines ou aspects, et limite les répercussions. La pandémie de COVID-19 n'a fait qu'exacerber ce déséquilibre, en mettant en évidence le degré inadéquat de préparation, en particulier pour le secteur de l'éducation, et le fait que l'apprentissage de la gestion de la pandémie se soit déroulé alors même que des changements en matière de politiques et de pratiques étaient mis en place, ce qui en fait des cibles mouvantes.
À partir d'une perspective axée sur le genre, l'équité et l'inclusion, l'Observatoire du KIX sur les réponses à la COVID-19 dans les systèmes éducatifs africains a fourni quelques leçons précieuses, en particulier pour les filles et les autres groupes vulnérables. Ce billet de blog est fondé sur les données probantes disponibles, provenant de 40 pays partenaires du PME en Afrique, sur la façon dont les gouvernements sont intervenus en changeant les politiques et les pratiques pour atténuer les répercussions de la pandémie sur le secteur en termes de fonctionnement continu de l'éducation et du bien-être des apprenants, au-delà de l'éducation.
Financer l'éducation des filles
Les décideurs en matière d'éducation doivent cibler ou délimiter les financements destinés aux filles afin de s'assurer que les interventions planifiées sont mises en œuvre pour éviter de creuser davantage les écarts, les risques et les vulnérabilités qui existaient avant les crises comme la pandémie de COVID-19 et exacerber l'exclusion pendant les crises. Un exemple est la situation d'insécurité antérieure au Burkina Faso qui s'est aggravée au cours des deux dernières années avec la fermeture de plus de 2 000 écoles en raison des exigences des terroristes. Cela fait naître chez les filles et les jeunes femmes, ainsi que chez leurs parents, la peur de retourner à l'école. L'insécurité, la COVID-19 et d'autres situations d'urgence majeures sont les principales raisons pour lesquelles l'Institut de statistique de l'UNESCO (ISU) estime que plus de cinq millions d'élèves du primaire et du secondaire d'Afrique subsaharienne, dont un grand nombre de filles, ne retourneront probablement pas à l'école après la réouverture.
Malgré des écarts d'un pays à l'autre dans la proportion et le stade de mise en œuvre des interventions, il était bon de voir certains pays cibler le financement, avec l'aide des partenaires de développement sous forme de subventions ou de prêts, pour soutenir les populations vulnérables qui incluent l'éducation des filles dans les zones marginalisées. Cela permet de s'assurer que ces financements atteignent les bénéficiaires visés. On peut en voir des exemples dans des pays comme le Bénin (sensibilisation aux questions de genre), le Nigéria (programmes axés sur les filles), le Sénégal (espaces numériques sûrs permettant aux filles d'accéder à des pairs, des mentors et des informations) et le Zimbabwe (programmes de rattrapage tenant compte des questions de genre), ainsi que dans d'autres pays comme le Cameroun, la République démocratique du Congo (RDC), le Kenya, le Malawi, le Mali et le Togo.
L'autre domaine prioritaire était le soutien à la formation des enseignants en matière de technologies nécessaires pour l'apprentissage à distance. La République centrafricaine a formé ses enseignants à la gestion de la violence sexospécifique et à la prise en charge des besoins psychosociaux et de santé mentale des apprenants. Dans le même temps, la RDC, le Kenya, le Mali et le Zimbabwe ont intégré les aspects d'égalité des genres et d'inclusion dans leurs programmes de formation des enseignants pendant la pandémie. Les fournitures et autres mesures pour l'eau, l'assainissement et hygiène (EAH) au Mozambique comprenaient l'amélioration des toilettes pour les filles et la fourniture de serviettes hygiéniques pour accroître leur scolarisation.
Campagnes de réouverture des écoles axées sur les filles
Nous avons vu des campagnes de retour à l'école au Burkina Faso, au Ghana et au Nigéria qui intégraient des messages adaptés aux enfants au moyen des médias locaux qui ciblent les zones rurales. Le renforcement de l'aspect relatif à la protection dans les messages, avec l'implication d'autres secteurs du gouvernement, et l'encouragement de la participation des acteurs de première ligne dans les campagnes – comme les organisations de la société civile qui ont mis en œuvre des interventions éducatives pour promouvoir le retour à l'école des filles enceintes ou ayant accouché – contribuent à améliorer les répercussions. C'était le cas en Éthiopie, au Kenya et au Rwanda. Soucieux de maintenir ou d'améliorer son taux de passage de 100 % d'apprenants de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire, le Kenya a rejoint le Lesotho, le Soudan et le Rwanda en faisant appel à des administrateurs gouvernementaux nationaux et sous-nationaux pour surveiller et appliquer la politique de retour à l'école en décourageant des activités comme l'utilisation des filles pour les tâches ménagères.
Des initiatives mondiales et régionales comme la campagne de financement « Lève la main – Un plaidoyer pour l'investissement » du GPE, qui soutient le financement intérieur et extérieur de l'éducation des filles en Afrique, et la stratégie de la campagne « AfricaEducatesHerr » du Centre international pour l'éducation des filles et des femmes en Afrique de l'Union Africaine (UA/CIEFFA), qui vise à accroître la sensibilisation du public au retour des filles à l'école après l'épisode de la pandémie de COVID-19, notamment par la révision des politiques de réintégration des écolières enceintes, démontrent que lorsque les partenaires soutiennent fermement les gouvernements pendant les crises, les filles sont en première ligne.
Pour soutenir de telles initiatives, il est nécessaire d'allouer davantage de ressources nationales afin de créer une durabilité dans le financement des interventions d'urgence et de démontrer comment celles-ci améliorent l'équité et l'inclusion dans l'éducation. En outre, les gouvernements doivent s'engager avec des partenaires clés pour soutenir des investissements majeurs dans les technologies en éducation et les infrastructures nécessaires à l'apprentissage à distance dans les zones difficiles à atteindre ainsi que dans les pays en transition.
Un regard sur le bien-être des filles
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence que le bien-être des enfants, en particulier des filles et des jeunes femmes, englobe plusieurs questions interdépendantes à l'intérieur et à l'extérieur de l'environnement d'apprentissage. En tant que telles, les interventions en faveur de l'atténuation nécessitent une approche holistique et multipartite, impliquant les gouvernements et les partenaires actifs, y compris les communautés locales, pour être couronnées de succès. Ces interventions doivent également être adaptées aux situations socioculturelles, socio-émotionnelles et socio-économiques dominantes. Bien qu'impulsées par le gouvernement, les interventions politiques et pratiques nationales dans ce domaine pour les filles et les femmes comportaient un fort élément de collaboration humanitaire avec des partenaires locaux, régionaux et internationaux axés sur la santé et la nutrition, la protection contre la violence sexuelle et les grossesses précoces, et le soutien aux apprenants dans les populations réfugiées et déplacées.
Les gouvernements ont déployé des stratégies créatives pour assurer la continuité de la fourniture de repas scolaires dans certains des pays partenaires du GPE. Il s'agissait de rations à emporter à la maison sous forme d'aliments secs et de compléments (Tchad, Liberia, Niger et République du Congo), de livraisons de repas quotidiens (Liberia, Mozambique, Madagascar et Soudan) et de transferts d'argent ou de bons d'achat (Niger, Togo, Côte d'Ivoire, Kenya et Zimbabwe). Cependant, une lacune importante inhérente à ces interventions est le manque de données de qualité, par exemple sur le nombre de filles ayant réellement bénéficié de ces interventions, bien que nobles, qui ciblaient les familles vulnérables.
Un certain nombre de filles ont subi des violences sexuelles pendant la pandémie de COVID-19, sont tombées enceintes ou ont été traumatisées en raison de l'insuffisance des systèmes de santé mentale et de soutien psychosocial résultant du manque d'accès aux produits de gestion de la santé menstruelle. Cela montre qu'il ne suffit peut-être pas de mettre en place des politiques et des pratiques bien intentionnées, mais qu'il faut ensuite trouver des moyens novateurs d'impliquer ceux qui ont des responsabilités « acquises », comme les parents et la communauté, pour assurer leur mise en œuvre. Le fait que la plupart des gouvernements aient fourni des cours à la radio et à la télévision, et des cours en format numérique dans quelques pays, avec des horaires officiels, ne signifie pas que les apprenants, en particulier les filles, ont assisté aux cours. D'autres facteurs, comme le statut socio-économique réduit de nombreuses familles en raison de la pauvreté et des pertes d'emploi, ainsi que les ménages dirigés par des enfants, par exemple, ont fait que d'autres priorités ont pris le pas sur l'apprentissage. Certains foyers ont augmenté les corvées familiales pour les filles, d'autres ont amené leurs filles à s'engager dans des mariages précoces ou forcés ou pour être exploitées en échange d'argent et de nourriture, tandis que d'autres filles ont été obligées de se tourner vers « d'autres » sources pour satisfaire leurs besoins fondamentaux que leur famille ne fût pas en mesure de fournir.
Afin de ne pas condamner les filles qui se trouvent dans de telles situations, les gouvernements doivent, entre autres mesures, adopter des politiques concrètes de poursuite ou de reprise de la scolarité et des cadres juridiques pour les adolescentes qui tombent enceintes. La Sierra Leone et le Zimbabwe ont montré que c'était possible et peuvent, espérons-le, contribuer à influencer le changement dans d'autres pays. En Tanzanie, par exemple, un décret présidentiel qui interdisait aux filles enceintes de poursuivre leur éducation de base a depuis été annulé en raison de l'annonce par le gouvernement de la levée de cette interdiction discriminatoire. Cette flexibilité permettra aux adolescentes de s'adapter à la nouvelle normalité, favorisera leur retour à l'école tout en encourageant les écoles à mettre en place des systèmes qui atténuent les futures perturbations de l'apprentissage.
Dernières réflexions
Les programmes de reprise face à la pandémie de COVID-19 devraient également renforcer les mécanismes d'atténuation politiques et juridiques, et revigorer les systèmes de suivi, pour faire face à la montée en flèche de la violence sexuelle et sexospécifique, notamment en améliorant les mécanismes de signalement et en fournissant un abri aux victimes. Une approche consiste à intégrer des leçons sur la manière d'aider les filles à gérer le traumatisme de la violence sexospécifique dans les programmes de formation des enseignants, comme l'une des questions transversales. Cela permettra aux enseignants d'apprendre des stratégies d'atténuation qu'ils pourront transmettre aux apprenantes. Pour que cela fonctionne efficacement, les gouvernements doivent donner la priorité au renforcement des capacités des enseignants pendant les crises, et avoir des interventions ciblées pour les apprenantes dans des milieux marginalisés ou issus de ménages pauvres qui pourraient ne pas être atteints par les solutions d'apprentissage à distance.
Pour éviter la perte potentielle de plus de 10 milliards de dollars américains de PIB dans toute l'Afrique subsaharienne (selon les estimations de World Vision International en 2020) en raison des mères adolescentes n'ont pas la possibilité de retourner à l'école après la fermeture des écoles causée par la pandémie de COVID-19, en particulier dans les régions touchées par les conflits, nous devons délibérément travailler à éliminer l'exposition des filles et des jeunes mères aux mauvais traitements et à la violence, aux mariages précoces ou forcés, aux mutilations génitales féminines, aux grossesses non désirées, à la violence sexospécifique et au VIH.
L'adoption de politiques et d'actions en faveur des pauvres permettra, par exemple, de réduire le fossé entre les apprenants disposant d'une technologie de pointe, ceux disposant d'une technologie désuète et ceux ne disposant d'aucune technologie, à mesure que les gouvernements développeront des solutions d'apprentissage à distance. Cela pourrait s'inscrire dans le cadre d'une plus grande attention portée aux filles défavorisées qui risquent de ne pas retourner à l'école, afin d'atteindre des niveaux de scolarisation semblables pour les garçons et les filles, comme c'était le cas avant la fermeture des écoles.
L'adage « rien pour nous sans nous » s'applique parfaitement ici. Toute intervention devrait prendre en compte la place des jeunes filles dans la conduite des réformes de l'éducation en tenant compte de l'expérience de la pandémie de COVID-19. Ces interventions doivent clairement indiquer comment impliquer les filles de manière significative, de la politique à l'évaluation des répercussions. Mais cela nécessite également des données de qualité, qui restent un défi permanent pour le continent, et le renforcement des capacités sur le plan communautaire pour la détection précoce et le traitement des comportements sociaux associés à l'anxiété et au stress, en particulier pour les jeunes filles. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir les craintes soulevées par Megan Stacy en 2020 qui a noté qu'en l'absence « d'école ou d'enseignants qui surveillent… d'adultes de confiance qui vérifient… de rendez-vous avec les amis… et de stress qui s'accumule à la maison », l'isolement pendant le confinement obligatoire causé par la pandémie de COVID-19 pourrait augmenter le risque de mauvais traitements envers les enfants.