Découvrir sans cesse l’importance d’une communication efficace pour l’élaboration de politiques de l’éducation
Lorsque deux anciennes ministres européennes de l’éducation discutent de leur expérience gouvernementale récente, elles constatent que la nécessité d’une communication plus efficace est une leçon majeure qu’elles ont apprise. Il s’agit-là d’un des principaux enseignements découlant d’un « débat stratégique » qui a eu lieu récemment à l’Institut international de planification de l’éducation (IIEP) de l’UNESCO.
En effet, Stefania Giannini, ministre italienne de l’Éducation, des Universités et de la Recherche (de 2014 à 2016) et actuellement sous-directrice générale pour l’éducation à l’UNESCO et Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’Éducation nationale de la France de 2014 à 2017, ont souligné que savoir comment communiquer surles réformes politiques qu’elles ont mises en place dans leur pays respectifs aurait accru leurs chances de succès.
Je ne pouvais qu’applaudir pour marquer mon accord avec leurs observations et les leçons qu’elles ont tirées de leurs expériences ministérielles. Mais pourquoi, me suis-je demandé, leur compréhension tardive du rôle crucial de la communication pour un ministre de l’Éducation ? Ou, plutôt, pourquoi cette compréhension postministérielle tardive que l’éducation est si fortement, si rapidement et si facilement politisée au point où les opposants politiques inventent de fausses nouvelles pour discréditer les politiques proposées, selon Vallaud-Belkacem ? J’ai été déconcerté parce que l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) a commencé à s’attaquer à ces questions dès 1998.
La communication est essentielle pour s’assurer d’un apprentissage efficace
C’est là que la gestion du changement au niveau des systèmes éducatifs se heurte à un paradoxe fondamental : presque tout le monde est en faveur de l’éducation, de son expansion, de son amélioration et de sa plus grande disponibilité pour un nombre croissant d’élèves. Cependant, les désaccords abondent sur la façon d’atteindre ces nobles objectifs, surtout si nous entendons aller au-delà de l’expansion quantitative et nous assurer qu’un apprentissage efficace et pertinent ai lieu. L’un des grands défis auxquels sont confrontés les décideurs en matière d’éducation tient au fait que nous ne savons vraiment pas comment garantir un apprentissage efficace - il n’existe pas de théorie de l’apprentissage généralement admise ou unifiée en la matière. En d’autres termes, les fondements théoriques et scientifiques de l’éducation sont faibles. En médecine, par exemple, lorsqu’un médecin compétent pose un diagnostic, il y a une forte probabilité qu’il prévoie l’issue. Nous n’avons pas d’équivalent dans le domaine de l’éducation. De plus, les parents s’inquiètent de la primauté des valeurs et des enseignements de l’école sur ceux de la famille - le pouvoir de socialisation de l’école par rapport à celui de la famille. En effet, nous confions probablement plus facilement nos corps aux médecins que nos enfants aux écoles. En outre, pour compliquer davantage la vie des éducateurs, tout le monde est un expert en éducation. Il suffit d’avoir été à l’école soi-même ou d’avoir des enfants à l’école pour être convaincu(e) de son expertise. C’est pourquoi les questions d’éducation deviennent si politiques. C’est la raison pour laquelle il devient si important que les ministres de l’éducation sachent comment communiquer efficacement avec (non pas « à », mais « avec ») leurs différents mandants, notamment le public, les enseignants, les autorités scolaires, les organisations de parents, les législateurs, les médias et les élèves.
L’importance de renforcer les partenariats et la confiance entre tous les acteurs
Mais, c’est des « partenaires » plutôt que des « électeurs » qu’il s’agit ! En fait, j’ai l’impression que les nouveaux ministres de l’Éducation pensent à leurs électeurs – en se posant les questions suivantes : comment vont-ils réagir à nos politiques, comment les convaincre, comment négocier avec eux, etc. ? J’ai également l’impression que les ministres de l’éducation sortants se rendent compte qu’il leur fallait des partenariatsplus solides pour garantir le succès et la durabilité de leurs politiques. La réflexion sur les partenariats est nécessaire et stratégique pour l’éducation étant donné que tant de participants, et les interactions entre eux, interviennent pour faire fonctionner les politiques éducatives. Ces participants comprennent les élèves, les enseignants, les parents, les membres de la communauté, les contribuables, les professionnels de l’éducation, les décideurs, les administrateurs qui mettent en œuvre les programmes, les législateurs qui votent les budgets, les acteurs des médias qui fournissent (et transforment) les informations... Ce sont tous des maillons essentiels de la chaîne qui assure la cohésion du système éducatif et lui permet d’aller de l’avant. Une communication efficace est nécessaire pour les tenir tous impliqués, informés et concernés.
L’ADEA s’intéresse depuis longtemps à la théorie et à la pratique des partenariats. C’était le thème de l’édition 1997 de la Biennale de l’ADEA qui a examiné les partenariats entre les nombreux acteurs impliqués dans le fonctionnement des systèmes éducatifs - entre partenaires financiers (y compris les ministères des Finances et de l’Éducation), entre écoles et communautés, entre ministères et enseignants, entre praticiens, techniciens, et chercheurs. Cette Biennale a été ouverte par le Président Abdou Diouf du Sénégal qui a relevé que la confiance est « l’un des facteurs déterminants dans tout partenariat ». Cette confiance, a-t-il dit, ne saurait être réduite à un contrat formel. En lieu et place, a-t-il déclaré, elle « implique la reconnaissance mutuelle des intérêts, des attentes, des problèmes, de la souveraineté et de la culture de chaque partenaire, tant sur le plan institutionnel que sur le plan personnel. Elle se maintient à travers les expériences communes, la communication permanente et la proximité qui facilitent la compréhension mutuelle. »
La confiance, nous commençons à le comprendre, est une pierre angulaire du développement. Elle est de plus en plus examinée par les spécialistes du développement, que certains d’entre eux considèrent comme étant la base du « capital social » nécessaire au développement. Cela reflète peut-être une distanciation par rapport à « l’économie pure », qui n’a pas si bien fonctionné, pour comprendre les processus du développement. Quoi qu’il en soit, pour nous, qui sommes engagés dans le domaine de l’éducation, nous savons que sans une confiance forte entre tous les acteurs impliqués dans l’avancement de l’éducation, nous resterons à la traîne.
Le rôle essentiel de la communication
Et c’est là que la communication prend toute son importance :
- Pour être efficaces, les partenariats et la confiance exigent un partage maximal d’informations fiables.
- La formulation d’une politique éducative est plus efficace lorsque toutes les parties concernées participent activement aux processus. Cela leur permet de sentir qu’ils ont un intérêt tant dans le processus que dans ses résultats.
- L’identification claire de ses partenaires est essentielle. Cette identification peut donner lieu à des stratégies de communication ciblées.
- La façon dont nous communiquons doit être mûrie, en particulier la mesure dans laquelle nous faisons appel à des intermédiaires professionnels, souvent connus sous le nom de journalistes.
- La façon dont nous communiquons sur le plan pédagogique pourrait bien être la principale question et, en l’occurrence, l’essentiel.
Pour aller un peu plus loin que l’essentiel, j’avoue qu’une part substantielle de ce que j’ai relevé dans ce blog est tiré d’un article que j’ai écrit pour le bulletin d’information de l’ADEA d’avril-juin 1999. En d’autres termes, comme je l’ai appris des deux ministres lors de ce débat stratégique de l’IIPE, comprendre l’importance d’une communication efficace pour l’éducation est l’une de ces vérités que nous redécouvrons sans cesse. C’est l’une de ces leçons qui mérite d’être répétée de façon continue, et n’oublions pas qu’une bonne pédagogie, qui est au cœur d’une communication efficace, est pour l’essentiel une question de répétition, de répétition et encore de répétition !