Cinq leçons tirées des réponses face à la COVID-19 dans l’éducation en Afrique
Blog original publié sur le site web de GPEKIX.
La pandémie de COVID-19 a présenté des défis sans précédent pour l’éducation dans les pays africains. En réponse à cette situation, les chercheurs se sont mobilisés afin de recueillir des données probantes permettant d’éclairer les décisions et qui soutiennent la reprise et la résilience du système. Que peut nous apprendre cette expérience à l’égard de la capacité des systèmes éducatifs à absorber le choc d’une crise? Comment la recherche peut contribuer à évaluer en temps réel les efforts déployés par les gouvernements afin de modifier les politiques et les pratiques en vue de soutenir l’apprentissage? Et comment pouvons-nous transformer les pertes en matière d’apprentissage subies par les élèves en leçons précieuses pour l’avenir?
C’est ainsi qu’est né le projet de l’Observatoire du KIX. À partir de 2021, les chercheurs ont travaillé à la collecte et à la synthèse des réponses en matière de pratiques éducatives et de politiques et de 40 pays partenaires du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) en Afrique. En se concentrant sur deux domaines principaux, le fonctionnement des systèmes éducatifs et le bien-être des apprenants, les chercheurs ont examiné les sujets suivants : le financement de l’éducation, le bien-être psychosocial des écoliers, la réouverture des écoles, la formation et le soutien des enseignants et l’évaluation de l’apprentissage.
Résultats de la recherche sur l'impact de COVID-19 sur les systèmes scolaires
Financement des réponses de l’éducation face à la pandémie de COVID-19
Tous les pays partenaires du GPE en Afrique ont établi des plans d’urgence afin de financer les réponsesdéployées pour faire face aux perturbations de l’éducation causées par la pandémie. Plus de la moitié des fonds d’urgence ont soutenu les préparatifs de réouverture des écoles et l’utilisation de solutions d’apprentissage à distance, tandis qu’environ 6 % ont ciblé l’aide à l’apprentissage pour les enfants vulnérables, notamment ceux ayant des besoins spéciaux ou faisant partie de populations déplacées. Bien que les gouvernements aient puisé dans les budgets existants de l’éducation, des programmes supplémentaires et des programmes spéciaux en vue de fournir des ressources nationales, le financement s’est largement appuyé sur des sources externes comme le GPE, la Banque mondiale, l’UNICEF et l’initiative Education Cannot Wait. Lorsqu’ils étaient disponibles, les fonds d’urgence nationaux ont renforcé la capacité des systèmes éducatifs à s’adapter aux perturbations causées par la COVID-19. Par exemple, au Ghana, le gouvernement et ses partenaires ont financé le développement, la conservation et la diffusion de contenus pour l’enseignement à distance, ainsi qu’une bibliothèque numérique améliorée. Au Cabo Verde, le gouvernement a soutenu la diffusion de leçons au moyen de la radio, de la télévision et de l’utilisation de tablettes.
Bien-être général des écoliers
Les répercussions de la pandémie sur le bien-être psychosocial des écoliers pourraient être l’un des effets les plus durables des perturbations des systèmes éducatifs causées par la pandémie de COVID-19. Les violences sexuelles et sexospécifiques ont augmenté de près de la moitié pendant la crise dans les pays d’Afrique partenaires du GPE. Les services d’assistance téléphonique aux enfants ainsi que les services de prévention de la violence ont été perturbés, 57 % et 71 % des pays d’Afrique orientale et australe, respectivement, ayant signalé au moins une forme de perturbation.
Sur une note plus positive, les pays de la région du Sahel – l’une des zones les plus touchées par les violences sexuelles et sexospécifiques – ont mis en place des lignes d’assistance téléphonique afin d’atteindre davantage d’enfants. Ils ont également mis à disposition des ressources relatives à la parentalité positive et ont renforcé les formations portant sur les conseils adaptés aux enfants. Les pays du bassin du lac Tchad, le Kenya et la Sierra Leone ont utilisé des ressources communautaires et des campagnes médiatiques afin de mettre fin à la violence contre les femmes et les filles et limiter les grossesses chez les adolescentes.
Autres répercussions importantes : les fermetures d’écoles et les confinements obligatoires dans les pays ont fait que quelque 350 millions d’enfants n’ont plus eu accès aux repas à l’école. Des pays comme le Liberia et la République du Congo ont comblé les lacunes nutritionnelles d’environ 100 000 et 61 000 enfants, respectivement, en livrant des repas habituellement pris à l’école au domicile des élèves. Parmi les autres stratégies utilisées afin de promouvoir le bien-être des enfants, citons la mise à disposition de renseignements concernant la gestion de la santé menstruelle aux filles en utilisant des plateformes ciblées comme YouTube et Oky.
Réouverture des écoles
Plus de 60 % des pays partenaires du GPE ont fermé leurs écoles pendant plus de 200 jours. Les vagues successives de la pandémie ont contraint plusieurs pays à fermer à nouveau leurs écoles après une réouverture totale ou partielle. À l’exception de l’Ouganda, tous les pays d’Afrique avaient rouvert leurs écoles au quatrième trimestre de 2021, poussés par le besoin de continuité de l’apprentissage et en raison de l’accès limité à l’enseignement à distance. Les réponses du gouvernement se sont concentrées sur le développement de cadres décisionnels et de directives sanitaires pour les réouvertures, sur des campagnes de retour à l’école afin d’encourager tous les apprenants à y revenir, et sur des adaptations de l’apprentissage après la réouverture des écoles.
Au moins deux de ces réponses ont été observées dans chacun des pays partenaires. Les systèmes éducatifs ont encouragé l’adhésion aux directives sanitaires visant à atténuer les infections à la COVID-19 en maintenant une distance physique malgré la taille importante des écoles et des classes, en se lavant fréquemment les mains, en vérifiant la température et en isolant le personnel et les enfants ayant contracté le virus ou qui y avaient été exposés.
Les mesures d’adaptation après la réouverture ont été essentielles dans de nombreux pays en raison de la perte d’apprentissage qui n’a toujours pas été pleinement mesurée. Les pays ont ajusté les aménagements physiques afin de tenir compte de l’éloignement social, modifié les horaires de classe et le calendrier scolaire afin de récupérer le temps d’apprentissage perdu, introduit des programmes de rattrapage et d’apprentissage accéléré pour que les élèves puissent rattraper leur retard, et institué des réouvertures partielles qui ont permis aux élèves de passer des examens importants. En outre, ils ont également aidé les élèves à acquérir une expérience qui pourrait être adaptée lors des réouvertures complètes.
Formation et soutien des enseignants
Le rôle des enseignants dans la reconstruction de meilleurs systèmes éducatifs est indiscutable. Tous les pays d’Afrique ont mis en œuvre au moins une activité en matière de formation des enseignants pendant la pandémie. Par exemple, 21 pays ont dispensé des formations concernant l’élaboration de plans de cours, de plans et de guides d’enseignement et de modèles pédagogiques au moyen de solutions en matière d’apprentissage à distance. Pendant et après les fermetures des écoles, les activités de formation et le soutien aux enseignantsse sont concentrés sur six domaines : développement et utilisation de solutions d’apprentissage à distance; soutien aux écoliers touchés par la violence sexospécifique et aux prises avec des problèmes de santé mentale; soutien aux enfants vulnérables; préparatifs relatifs à la réouverture des écoles; bien-être général des enseignants; motivation et incitation des enseignants.
Cependant, même dans les pays qui ont mis en place des formations, les enseignants n’ont pas tous été formés – plus de la moitié ont été formés au Lesotho, au Rwanda et au Malawi, tandis que moins de 2 % ont été formés en République démocratique du Congo. La formation limitée des enseignants implique une réponse inadéquate aux besoins des étudiants relatifs à l’apprentissage pendant les fermetures d’écoles.
Évaluation de l’apprentissage
Pendant la fermeture des écoles, l’évaluation de l’apprentissage n’a pratiquement pas eu lieu, même après la mise en place de solutions d’enseignement à distance. Cela est peut-être dû à l’incompatibilité de l’enseignement à distance avec les mesures rigoureuses requises pour des évaluations crédibles. Presque tous les pays partenaires ont reporté leurs examens comportant des enjeux élevés. Malgré les difficultés rencontrées pendant la pandémie, les pratiques en matière d’évaluation couramment utilisées comprenaient les devoirs et les travaux à la maison remis dans le cadre de leçons en direct ou préenregistrées (p. ex. à la radio et à la télévision), les médias sociaux (p. ex. WhatsApp), les plateformes éducatives spécialisées (p. ex. Khan Academy, Seesaw et EdoBEST), les services de messagerie courte sur téléphone mobile, et les plateformes en ligne (p. ex. Zoom et Google Meet). Le Burundi, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Sénégal et la Zambie sont parmi les pays qui ont prévu d’évaluer la perte d’apprentissage après la réouverture des écoles.
Comment utiliser ces résultats?
La pandémie de la COVID nous a montré que les systèmes n’étaient tout simplement pas prêts pour une telle crise. Et même si celle-ci s’atténue peut-être lentement, d’autres sont encore à venir. Alors, que doivent faire les systèmes éducatifs en Afrique afin d’être plus résilients la prochaine fois?
Les synthèses de l’Observatoire du KIX concernant la pandémie de COVID-19 ont mis en évidence des enseignements clés à l’intention des décideurs du secteur de l’éducation en Afrique:
- Ils doivent générer des ressources nationales pour les interventions d’urgence dans le domaine de l’éducation afin de créer une durabilité. Une partie de ces ressources devrait être allouée à la promotion de l’équité et de l’inclusion afin de s’assurer que les enfants vulnérables, y compris les filles et les enfants ayant des besoins spéciaux, puissent accéder aux services éducatifs.
- Les systèmes éducatifs doivent redynamiser les systèmes de suivi concernant la violence sexuelle et sexospécifique, la santé mentale et la sécurité alimentaire auprès des enfants vulnérables. Le mieux est de le faire à l’échelle de la communauté.
- Ils doivent renforcer la planification d’urgence afin de mieux répondre aux futures perturbations des systèmes éducatifs. Ces plans doivent refléter les données probantes les plus récentes issues de la recherche ainsi que les pratiques exemplaires.
- Il faudrait investir davantage de ressources dans la formation des enseignants, en tant que travailleurs de première ligne, afin d’améliorer les mécanismes d’adaptation face à la pandémie et chercher à inverser les pertes en matière d’apprentissage.
- Les pays devraient améliorer l’efficacité des évaluations pendant les crises. Parmi les moyens d’y parvenir, citons l’intégration de la technologie numérique dans les systèmes d’évaluation et le renforcement de la capacité des systèmes éducatifs à répondre de manière adéquate aux besoins relatifs à l’évaluation. Au minimum, l’évaluation de l’apprentissage devrait faire partie des conversations en cours concernant les technologies éducatives, qui sont susceptibles d’occuper les systèmes éducatifs de manière sans précédent.
La pandémie de COVID-19 a été dévastatrice à bien des égards, notamment par ses répercussions sur les systèmes éducatifs. Mais elle a également offert de nombreux enseignements précieux dont les pays peuvent s’inspirer afin de mieux se préparer à d’autres crises, dans l’espoir que l’apprentissage se poursuive durant les perturbations futures.