Agenda 2063 : Pression liée aux ressources en matière de financement de l’éducation en Afrique
Lorsque l’appel a été lancé par la communauté internationale en 1948 pour qu’il soit accordé à l’éducation un statut de droit de l’homme, l’on ne savait pas dans l’immédiat comment cette mission ambitieuse serait concrétisée. Le monde venait à peine de sortir de la guerre et, à l’évidence, les pays avaient consacré des fortunes à défendre leurs territoires. L’on ne peut qu’imaginer à quelle enseigne tout le monde était fauché. On pourrait s’imaginer, dès lors, qu’il allait falloir un certain temps pour réaliser cette mission.
Deux décennies plus tard, la plupart des pays ont enregistré des réalisations remarquables sur ce front. Ils ont bâti des systèmes éducatifs minutieusement conçus pour leurs citoyens, tous âges confondus, afin de faciliter la fourniture d’apprentissage de la petite enfance et tout au long de la vie.
Les pays en développement ont également réalisé des pas importants dans la promotion de l’éducation. De 2000 à 2011, le taux de scolarisation est passé de 83% à 90%, et le nombre d'enfants non scolarisés a diminué de près de la moitié, passant de 102 millions en 2000 à 57 millions en 2011, selon une fiche d'information des Nations Unies de 2013 sur l'Objectif n. 2 des Objectifs du Millénaire pour le développement : « Assurer l'éducation primaire pour tous ». Ils ont également fait preuve d’un élan plausible dans la création d’un environnement favorable pour permettre aux enfants en âge d’aller à l’école d’y accéder avec peu d’entraves. La décision la plus audacieuse prise par la plupart des pays en développement étant la suppression des frais de scolarité et des contributions antérieurement supportées par les ménages, en particulier au niveau de l’enseignement primaire.
Après avoir supprimé les frais de scolarité et les contributions connexes, les gouvernements n’ont pas perdu de vue que le coût antérieurement couvert par ces frais devait être supporté par quelqu’un. Les ministères des Finances, avec le soutien des partenaires stratégiques au développement, se sont efforcés de réaliser les dispositions pour l’enseignement primaire universel (EPU). Le fardeau des ménages a été transféré aux pouvoirs publics.
Rien qu’en Afrique, l’effort en faveur de l’éducation mesuré par les dépenses consacrées à l’éducation par rapport au produit intérieur brut (PIB) s’est, selon les estimations, accru, passant d’en moyenne 4 % en 2000 à 4,8 % en 2014, selon les données sur le financement de l’éducation obtenues auprès de l’Institut de l’UNESCO pour les statistiques (ISU).
Avec la première cohorte d’EPU venant au terme de son soutien gouvernemental, le manque de transition vers l’enseignement secondaire a constitué une préoccupation majeure. Les gouvernements ont dû réagir pour éviter une crise éventuelle. À ce jour, 12 pays de l’Afrique subsaharienne assurent un enseignement secondaire gratuit. Sur ces 12 pays, le Kenya s’est engagé à assurer l’enseignement secondaire gratuit et obligatoire. Le gouvernement du Kenya a introduit le programme de la Journée de l’enseignement secondaire gratuit en 2008 pour apporter un soutien aux élèves qui avaient bénéficié de l’enseignement primaire gratuit, afin d’éviter le décrochage scolaire.
Demander à ces élèves de supporter le coût de l’enseignement secondaire constituerait un fardeau. Un nombre important d’entre eux provenait de ménages défavorisés. Ils n’étaient pas en mesure d’honorer les frais moins élevés dans l’enseignement primaire et n’allaient certainement pas être à même de supporter les coûts relativement plus élevés de l’enseignement secondaire. Cette action du Kenya et d’autres pays en développement en Afrique a rendu l’enseignement secondaire fort accessible, bien que, dans la plupart des cas l’on continue à s’attendre à ce que les ménages interviennent dans le coût de l’éducation pour couvrir des rubriques telles que l’uniforme, le transport et d’autres coûts personnels.
Après 16 ans d’enseignement primaire et secondaire pour la plupart des pays, il se pose un casse-tête de financement renouvelé en ce qui concerne l’éducation. Comment l’Afrique approche-t-elle le financement de l’enseignement tertiaire et supérieur ? Que renferme-t-il pour le continent ? Quels sont les avantages sociaux de ce type d’investissement ? Existe-t-il une marge de manœuvre pour les cadres budgétaires des pays africains pour soutenir la croissance ?
Au moment où la période des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) venait à expiration et où la communauté internationale élaborait son prochain agenda de développement, l’Afrique fonctionnait de façon parallèle. Les États africains ont pris connaissance de leur contexte et de leurs défis uniques durant la mise en œuvre des OMD. Ils étaient préparés à se servir de ces enseignements comme base pour établir un agenda pour la renaissance de l’Afrique. En conséquence, l’Agenda 2063 pour l’Afrique a vu le jour en 2013. Il énonce les actions que l’Afrique doit prendre dans les 50 prochaines années pour transformer sa situation sociale et économique et rechercher de meilleures conditions de partenariat avec ses continents frères.
Avec cet Agenda, nous recherchons une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale ». L’Agenda s’articule autour d’un ensemble de problèmes allant de la croissance économique, à la sécurité et à la gouvernance, la cohésion sociale et l’intégration des cultures et, le plus important étant de mettre fin à la dépendance. Mettre un terme à la dépendance est, à présent, la nouvelle obligation qui prévaut. Je n’ai aucune idée de comment cela se produira, mais je pense que l’Afrique a atteint l’âge de la maturité pour saisir son destin.
En mars 2017, les experts du continent en matière d’éducation se sont réunis dans le cadre d’une réunion organisée par l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA), ayant pour thème : « Revitaliser l’éducation dans la perspective du Programme universel 2030 et de l’Agenda 2063 pour l’Afrique ». Les rapports découlant de la Triennale de l’ADEA de 2017 indiquent nettement que les préoccupations financières que j’ai soulevées ci-dessus ont été reprises en écho lors de la réunion. L’une des questions posées aux fins de discussions a été « comment » l’Afrique devrait concrétiser certaines dispositions contenues dans l’Agenda 2063. À un moment où les ressources ont été épuisées par la fourniture de services d’enseignement de base, comment l’Afrique est-elle préparée pour gérer la pression additionnelle pour soutenir l’éducation à des niveaux inférieurs, tout en investissant dans l’enseignement tertiaire et supérieur ?
Pour être un acteur et un partenaire mondial influent, l’Agenda 2063 pour l’Afrique reconnaît que le continent doit être préparé à financer son développement : le développement du capital humain, la recherche et l’innovation. Lors de la réunion de mars 2017, l’ADEA a fait allusion à une proposition visant à mettre en place un Fonds africain pour l’éducation (FAE), qui soutiendrait l’investissement stratégique en matière d’éducation partout sur le continent. C’est à l’évidence l’une des réponses à l’appel des chefs d’État pour promouvoir la mobilisation des ressources intérieures pour le développement intérieur.
L’ADEA est certes engagée dans le processus de conduite d’une étude de faisabilité sur la mise en place du Fonds africain pour l’éducation, mais le fait est que l’Afrique a besoin de ce Fonds. Les ministères des Finances du continent ont excessivement sollicité leurs moyens et leurs pays peuvent à peine investir dans l’incubation de nouvelles idées. Il est dès lors nécessaire d’injecter des ressources qui vont favoriser la croissance et qui ont des racines locales. L’Afrique peut-elle accroître son influence mondiale si elle ne peut s’assurer que ses élèves et étudiants ainsi que ses futures générations ont les compétences nécessaires ? À l’ère de l’économie du savoir, où la recherche nous révèle de nouvelles possibilités avec chaque levée du soleil, l’Afrique ne peut se permettre de s’endormir. Le Fonds de l’éducation proposé constitue l’un des moyens pour l’Afrique d’investir dans la recherche, la science et la technologie.
J’ai eu de la chance d’être témoin de certaines des possibilités exceptionnelles que le continent africain continue de rater à cause du manque d’investissement dans les domaines stratégiques de recherche. Certains pays ne peuvent faire sortir les brillantes idées de leurs laboratoires universitaires, en raison d’un financement limité disponible pour le faire. Certaines de ces idées ont le potentiel de transformer le continent si elles obtiennent un financement approprié. Certaines d’entre elles sont des candidats potentiels à l’appui du Fonds proposé. L’Afrique doit saisir l’occasion de soutenir cette noble idée.
Quelles sont vos idées sur la mobilisation de ressources internes ? Comment l’Afrique peut-elle faire face à la demande accrue d’enseignement post-niveau de base ?